actu.fr

Covid-19 : ce que nous mangeons pourrait nous protéger contre le virus

Arnaud Boularand

Jean Bousquet, professeur honoraire de l'université de Montpellier, assure que l'alimentation peut jouer un rôle dans la défense immunitaire contre le Covid-19. Explications.

d
Selon le professeur Bousquet, l’alimentation être un facteur de protection contre le Covid-19. (© Phuong Hoang Thuy / Pixabay)

Et si notre propension à être infecté par une forme sévère du coronavirus avait un lien avec ce que l’on trouve dans nos assiettes ?

C’est la théorie avancée par l’un des plus brillants chercheurs français en médecine, le professeur au CHU de Montpellier Jean Bousquet.

Selon un article paru dans la revue spécialisée Clinical and Translational Allergy, le médecin s’est penché sur les prévalences dans certaines populations. Car certains pays, comme l’Autriche, les pays baltes et scandinaves ou encore l’Allemagne, ont été bien moins touchés que les régions du Sud de l’Europe, France, Italie et Espagne en tête.

Selon Jean Bousquet, « la nutrition peut jouer un rôle dans la défense immunitaire contre le Covid-19 et peut expliquer certaines des différences observées dans la maladie à travers l’Europe ».

Lire aussi : Coronavirus : la barre des 600000 morts dans le monde franchie

Mangez du chou

Parmi les aliments mis en évidence lors de son étude, le professeur détache le chou, s’il est mangé cru ou fermenté, comme c’est par exemple le cas dans la choucroute. Des ingrédients que l’on retrouve dans les régimes alimentaires germaniques et sud-coréens et qui pourraient ainsi expliquer les taux de mortalités plus bas dans ces pays.

Outre-Rhin, rappelons que sur plus de 200 000 contaminations, le virus a tué 9 000 personnes (à titre de comparaison en France, sur plus de 174 000 cas confirmés, il y a eu plus de 30 000 décès). Mais quid dans ce cas du Grand Est, très lourdement touché, et dont les habitudes alimentaires sont également proches de l’Allemagne voisine ?

Taux de décès liés au virus en Europe (sur 1 million d'habitants)
Taux de décès liés au virus en Europe (sur 1 million d’habitants) (©Jean Bousquet)

Lire aussi : Masque obligatoire dans les lieux publics clos : ce que vous risquez si vous n’en portez pas

Les antioxydants efficaces

Selon cette même étude, les produits laitiers fermentés seraient également efficaces pour lutter contre le virus et ses pathologies. Pour le professeur en médecine, ces aliments peuvent jouer un rôle pour protéger les populations car ils sont abondants en antioxydants et réduisent les niveaux d’ACE2, cette enzyme présente dans les cellules pulmonaires et qui est utilisée par le SRAS-CoV-2 comme point d’entrée dans le corps. Jean Bousquet explique :

Le lait fermenté, par exemple, est reconnu comme un inhibiteur naturel de l’ACE2. Le virus se lie à l’ACE2 qui induit un stress oxydatif, des effets pro-inflammatoires et profibrotiques. Les aliments fermentés ont une puissante activité antioxydante et peuvent protéger contre le Covid-19.

Pour étayer sa thèse, le professeur prend également un autre exemple : la Suisse, pays formé de cantons aux cultures et aux traditions culinaires différentes. Ainsi, les taux de mortalité observés dans ce pays sont plus faibles dans les cantons germaniques que dans les cantons italophones et francophones.

Lire aussi : Covid-19 : le masque obligatoire dans toutes les grandes enseignes alimentaires

Un facteur parmi d’autres

Bien sûr, la question de l’alimentation n’expliquerait pas tout. Il s’agirait, selon le professeur, d’un facteur parmi tant d’autres. Ainsi, des pathologies comme le diabète ou l’obésité auraient bien plus d’incidence sur l’évolution mortelle de la maladie que la nutrition, concède le chercheur français.

Nous reconnaissons que de nombreux facteurs peuvent jouer un rôle dans l’extension et la gravité de la Covid-19, tels que l’immunité de la population, l’éducation précoce et rapide aux gestes barrière, l’organisation et l’adaptation rapides des hôpitaux et du public, etc. Le régime alimentaire ne représente qu’une des causes possibles de l’épidémie de Covid-19 et son importance doit être mieux évaluée ».

À méditer quand même quand vous remplirez votre frigo…

Lire aussi : Covid-19 : le conseil scientifique unanime sur la probabilité d’une deuxième vague

Un allergologue reconnu dans le monde entier
Le professeur Jean Bousquet est l’un des allergologues les plus reconnus dans le monde scientifique. Pneumologue de formation, ses sujets d’étude sont principalement liés aux infections allergiques et aux problèmes respiratoires, dont notamment l’asthme dont il est devenu l’un des plus grands experts mondiaux. Durant 13 ans, il a piloté le laboratoire d’immunopathologie de l’asthme de l’Inserm et a dirigé pendant 8 ans l’Alliance contre les maladies respiratoires chroniques de l’Organisation Mondiale de la Santé. Suite à ses travaux et ses publications dans les revues spécialisées, il a été classé parmi les 400 chercheurs en médecine les plus influents du monde par la Revue Européenne de la Recherche Clinique (European Journal of Clinical Investigation). Seuls 9 chercheurs français ont été distingués dans ce classement paru en 2013.

Le professeur Jean Bousquet.
Le professeur Jean Bousquet. (©CHRU de Montpellier)

FASTING : THE SWITCH OF LIFE

Le XVIIIe Congrès international du Jeûne, Überlingen (Allemagne), 29-30 Juin 2019

Après l’introduction et les souhaits de bienvenue par les Docteurs Eva LISCHKA et Françoise WILHELMI DE TOLEDO, cette dernière nous présente les conclusions principales de l’étude publiée dans PLOS ONE en janvier 2019. Menée auprès de 1422 patients de la Clinique Buchinger-Wilhelmi, cette étude conclut essentiellement que la pratique du jeûne est sans danger, qu’elle accroît le bien-être physique et psychique, et qu’elle améliore significativement les paramètres de la santé. Le Dr Wilhelmi de Toledo ajoute que jeûner est préférable à l’imitation du jeûne : « Do the Real Thing », faisant allusion aux produits alimentaires qui sont commercialisés pour obtenir des effets analogues au véritable jeûne.

 

 

Suit une présentation non dénuée d’humour dans lequel Yvon LE MAHO (CNRS Strasbourg) nous détaille les stratégies mises en place pour étudier les manchots empereurs avec des robots déguisés. Cette espèce, championne du monde de jeûne prolongé (plus de cent jours) fait toujours l’objet d’études scientifiques sur le continent antarctique.

 

Jean-Jacques TROCHON, initiateur du premier symposium « Rethinking Cancer » réunissant médecins oncologues, nutritionnistes et scientifiques, est l’illustration vivante et convaincante de ce que le jeûne peut apporter dans le traitement du cancer. Il y associe un régime cétogène et la consommation régulière de phycocyanine, ce qui lui permet à ce jour de démentir les plus sombres pronostics.

 

Andreas MICHALSEN, professeur de médecine à l’Hôpital de la Charité de Berlin, souligne que les études cliniques se multiplient, les méthodologies s’affinent, les travaux universitaires modernes se mesurent aux médecines traditionnelles avec des convergences intéressantes. Les preuves s’accumulent, et mettent en évidence de nombreuses indications médicales au jeûne thérapeutique, du moins en Allemagne.

 

Daniela LIEBSCHER nous présente une étude observationnelle qu’elle a conduit pour sa thèse au sein d’une communauté Ba’hai, auprès de 145 sujets avec un suivi prolongé trois mois. Ce groupe observe chaque année un jeûne sec intermittent de 19 jours au mois de mars, avec un objectif de purification spirituelle. Ses conclusions rejoignent celles de l’étude présentée en début de congrès : aucun danger pour la santé, accroissement sensible du bien-être des pratiquants.

 

Le Dr Bettina BERGER a pour sa part mené une étude pilote chez des diabétiques de type 1 (donc figurant dans la liste théorique des contre-indications formelles au jeûne). Un jeûne de type Buchinger réalisé sous surveillance médicale objective une diminution importante des besoins en insuline, et une différence fondamentale entre la cétogenèse observée et la cétose redoutée par ces patients, de nature différente.

 

James MITCHELL, professeur au Département Génétique et Maladies complexes à l’Université de Harvard (Boston, États-Unis), détaille les avantages d’une restriction calorique dans la lutte contre le vieillissement. Validé depuis longtemps sur les modèles animaux, elle semble être équivalente à une restriction protéique, indépendamment de la quantité totale de calories. L’étude des phénomènes moléculaires de résistance au stress mobilise son équipe de recherche.

 

Le Dr Johannes G. WECHSLER, Directeur médical du Centre de Médecine Nutritionnelle et de prévention, et président de l’Association fédérale allemande des médecins nutritionnistes, poursuit en présentant une rétrospective de 40 années de régimes protéinés.

 

Plusieurs cas cliniques sont ensuite présentés par le Dr Eva LISCHKA, médecin-chef de la Clinique Buchinger-Wilhelmi et Présidente de l’Association Médicale Allemande de Jeûne et Nutrition. Ils confirment notamment la conclusion du Dr Otto Buchinger qui disait : « Le jeûne pendant plusieurs semaines est la voie royale pour la guérison, mais malheureusement les patients n’ont pas le temps ». Le Dr Martha RITZMANN-WIDDERICH, médecin nutritionniste, observe que le jeûne intermittent sur le modèle 16/8 ne suffit pas pour obtenir une réduction pondérale, il faut y associer une réduction calorique.

 

Grâce à une vidéotransmission en direct, le Professeur Mark MATTSON revient sur les travaux qu’il dirige au sein du Laboratoire de Neurosciences, et de l’Institut National du vieillissement à la Faculté de médecine John Hopkins de Baltimore (USA). Pour ce chercheur, le jeûne est propre à la plupart des espèces animales, et les études montrent l’allongement de la vie chez les individus qui traversent des périodes régulières de privation de nourriture. Associé à l’exercice physique vigoureux, on sait que le jeûne permet le « switch » métabolique depuis la consommation de glucose d’origine hépatique, vers celle des corps cétoniques dérivés des graisses. Des travaux scientifiques récents montrent que la pratique du jeûne protège des maladies neurodégénératives (Alzheimer et autres démences, Parkinson, et même risque vasculaire cérébral). Il observe que les médecins devraient apprendre à recommander et même prescrire le jeûne à leurs patients.

 

« Jeûne et silence sont des frères jumeaux » remarque Niklaus BRANTSCHEN, jésuite et maître zen (Suisse). Il ajoute que le jeûne est une voie thérapeutique royale, pour le corps et pour l’esprit. Dans ce contexte, la prière est une écoute de soi-même, et le silence est une partie importante de la démarche.

 

Existe-t-il des substances dont l’absorption aurait des avantages comparables au jeûne ? C’est une question soulevée par Frank MADEO, professeur de Biochimie à l’Institut Biomoléculaire de Graz (Autriche). Pour ce découvreur des programmes de suicide cellulaire, toutes les études montrent que la restriction calorique augmente la longévité. Il est l’un des chercheurs les plus cités au monde sur le vieillissement cellulaire, et a montré que la molécule de spermidine a le pouvoir unique d’allonger la vie des mammifères et de protéger de la démence liée à l’âge. D’autres molécules sont utilisées en médecine, depuis longtemps : la metformine, connue des diabétiques, et aussi la rapamycine, les corps cétoniques, les polyphénols, présents dans certains aliments notamment fermentés. Enfin il apparaît indiscutable que le jeûne intermittent prolonge la vie en bonne santé, et améliore cette dernière.

 

Robin MESNAGE, toxicologue dans le département médical de génétique moléculaire du King’s College (Londres) s’est intéressé au microbiome intestinal et à l’influence de l’alimentation sur sa composition. Cette population bactérienne de nos intestins possède une influence déterminante sur notre humeur, et notre système immunitaire. L’alternance nourriture/jeûne est physiologique, naturelle, et contribue certainement à son équilibre. Mais le microbiome intestinal de chaque individu a une composition unique et à l’avenir une personnalisation du jeûne selon les individus peut être une piste intéressante.

 

Au Laboratoire de radiologie de l’Université Jean Monnet à Lyon (France), Le Dr Pierre CROISILLE, radiologue, et Magali VIALLON, physicienne, ont étudié précisément les changements dans la composition du corps humain d’un jeûneur de deux semaines selon la méthode Buchinger. Une imagerie médicale par résonance magnétique (IRM) a été renouvelée 5 fois entre la semaine précédente et le 4ème mois après ce jeûne. Parmi les résultats fondamentaux, on peut citer la réduction durable de la graisse corporelle, la stabilité de la masse musculaire (moins de 3% de diminution en 14 jours de jeûne) l’absence de modification du myocarde, et une régénération cellulaire de la moelle osseuse, là où se forment les globules du sang.

 

Ce Congrès a donc été une occasion unique d’apprécier la vitalité et la richesse des travaux en cours, associant médecine de la nutrition et recherche fondamentale. Toutes les études concourent à valider les bienfaits du jeûne, sous ses différentes formes, en matière de santé humaine. La traduction en français a permis à notre délégation de participer pleinement à ces exposés. Rendez-vous en 2021 !

 

 

 

Dr J. Rouillier

 

Différents regards sur les bienfaits du jeûne

 

 

LE COIN LECTURE

 

 

WILHELMI de TOLEDO Françoise. L’art de Jeûner. Manuel du Jeûne Thérapeutique Buchinger.
Editions Jouvence. 2005. 160 p. ISBN 2-883-53418-7

 

LESTRADE Thierry de Le Jeûne – une nouvelle thérapie ?  Complète  le documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade. Editions ARTE – La Découverte, 2013.

 

BÖLLING Gisbert. Le Jeûne.
Editions La Plage. 2004 (édition revue et corrigée). 130 p. ISBN 2-842-21121-9

LACOSTE Sophie. Les surprenantes vertus du jeûne.
Leduc S Editions. 2013. 192 p. ISBN 2-848-99133-7 Nouvelle édition, augmentée

 

MERIEN Désiré. Jeûne et Santé, la méthode douce des paliers. Éditions Nature et Vie. 1984. 288 p. ISBN 2-950-03380-6

 

SHELTON Herbert M. Le jeûne.
Courrier du Livre. 1994 (réédition). ISBN 2-702-90016-X

 

JUVENETON Pierre. Ma cure détox de A à Z- Les bienfaits du jeûne.
Plon. 2008. 212 p. ISBN 2-259-20659-X

 

LANZMANN-PETITHORY, Dr Dominique. La diététique de la longévité. Editions Odile Jacob. 2004. 250 p. ISBN 2-738-11469-5
[Deux chapitres sur le jeûne]

LÜTZNER Hellmut, Dr. Comment revivre par le Jeûne. Le guide du Jeûne autonome.
Terre Vivante. 2009 (réédition). 87 p. ISBN : 2-914-71753-3
 


 

 



 

 

EN LIGNE